Jnet. Mai 2001 La jurisprudence relative à Internet

Le CSA, globalement favorable à l'avant-projet LSI   31/05/2001
L’avis rendu par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, le 9 mai, sur l’avant-projet de loi sur la société de l’information, est principalement axé sur le régime juridique des services de communication en ligne et sur les réseaux de diffusion. Concernant ces deux points, le CSA appelle à une "neutralité technologique" et à une "égalité de traitement".
Globalement, le CSA approuve l’avant-projet LSI, notamment, le principe du dépôt légal appliqué aux contenus des services de communication en ligne ou, encore, l’exercice du droit de réponse, en soulignant cependant la nécessité d’une "mise en cohérence entre les délais applicables en matière de diffamation et de droit de réponse".
Il aspire, en outre, à une précision de la catégorie des services dans laquelle entrent les services en ligne mettant à disposition du public des images ou des sons. D’ailleurs, il rejette les compétences restreintes que l’avant-projet LSI lui attribue sur l’ensemble de ces services et souhaite, au contraire "exercer ses compétences générales".
Quant à la responsabilité des opérateurs, il met en évidence que l’avant-projet LSI ne transpose que "très imparfaitement" le régime consacré par la directive sur le commerce électronique.

 

Le Sénat étend le champ de la rémunération pour copie privée   22/05/2001
Sans crier gare, une proposition de loi présentée par la sénatrice Danièle Pourtaud visant à étendre le champ de la rémunération de la copie privée à toutes œuvres fixées sur supports numériques vient d’être adoptée par le Sénat, le 17 mai dernier. Le gouvernement qui comptait introduire une réforme de ce mécanisme à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur certains droits d’auteur et droits voisins n’a pas approuvé cette initiative isolée. Ce sujet est justement à l’étude par l’une des commissions créées par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, chargée de faire des propositions.
En plus d’étendre le bénéfice de cette rémunération aux auteurs et éditeurs sur tout autre support, le Sénat fait bénéficier aux éditeurs d’œuvres publiées numériquement de la possibilité d’être remboursé de la rémunération lorsque le support d’enregistrement est acquis pour leur propre usage. Cette exception prévue à l’article L 311-8 du CPI vise jusqu’à présent uniquement les entreprises audiovisuelles et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Ce texte qui répond aux demandes des représentants du monde de la photographie et de l’écrit, qui ont sensibilisé les parlementaires à cette question, n’a pas fait l’objet d’étude préalable. De nombreuses questions restent en suspens. Quelles sont les sociétés d’auteurs qui vont se répartir cette rémunération ? Quelles vont en être les modalités ?

tableau comparatif

 

Condamnation d'un site pour reproduction de la marque Christian Dior   22/05/2001
Se fondant sur deux constats APP, le TGI de Paris a jugé, le 2 mai, "qu'en reproduisant et diffusant sur le site Internet http://www.firstview.com la marque dénominative Christian Dior et les modèles des collections de la société Christian Dior Couture, sans l'autorisation de celle-ci, la société Viewfinder Inc, a commis des actes de contrefaçon et de parasitisme".
La société contrefactrice s'est vue interdire la poursuite de ces actes sous astreinte de 50 000F par jour de retard, elle a également été condamnée à verser à la société Christian Dior Couture 500 000F de dommages-intérêts ainsi que 15 000F au titre de l'article 700 du NCPC. En outre, le tribunal a ordonné la publication du dispositif du jugement en première page du site de la société contrefactrice ainsi que dans cinq journaux au choix de la société Christian Dior Couture. A ce jour, la société Viewfinder Inc ne s'est pas exécutée.

 

Danone : l’unité d’enregistrement mise hors de cause   16/05/2001
Dans son ordonnance de référé du 14 mai dernier, le TGI de Paris a mis hors de cause Gandi et son gérant, Valentin Lacambre, pour l’enregistrement du nom de domaine jeboycottedanone.net. Danone avait, dans un premier temps, assigné l’unité d’enregistrement et Valentin Lacambre puis s’était désisté de la procédure les concernant. Gandi et son gérant qui estiment avoir subi un préjudice du fait de cette assignation ont refusé le désistement de Danone et ont obtenu sa condamnation aux dépens et sur le fondement de l’article 700, soit 8 000 F. En revanche, le juge Jean-Jacques Gomez a partiellement fait droit aux demandes de Danone concernant le réseau Voltaire qui édite et héberge le site jeboycottedanone.net. Comme le précédent référé du 23 avril 2001 portant sur le site jeboycottedanone.com, le juge a ordonné l’interdiction de faire usage de la marque semi-figurative représentée par le logo du groupe Danone, sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée et ne prohibe pas l’usage de la marque Danone dans le nom de domaine.

 

Catherine Tasca place le numérique au centre des débats du CSPLA   11/05/2001
Lors de l’installation du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le vendredi 11 mai 2001, la ministre de la Culture
a fixé comme objectif principal de cet organisme la préparation de l’adaptation du droit de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Dans le cadre d’une "création durable, donc rémunérée", elle estime que "la question de la dévolution des droits des auteurs salariés et leurs entreprises peut être améliorée de manière pragmatique". Le CSPLA devra donc imaginer "les règles d’une dévolution équitable et compétitive des droits", en s’inspirant des accords dans le secteur de la presse, si difficilement négociés. Catherine Tasca demande également au CSPLA de mener un travail d’expertise sur la copie de "l’écrit numérique" et sur celle des logiciels. Enfin, la ministre s’inquiète des menaces qui font peser sur les libertés les systèmes de protection technique des œuvres, notamment en terme de surveillance, de filtrage, et à terme, de fermeture des réseaux et la réduction de la circulation des œuvres. Elle attend des membres du CSPLA des "propositions équilibrées entre intérêts économiques, droits des producteurs et libertés".
Pour travailler concrètement sur ce vaste programme, quatre commissions ont été créées. Deux concernent la création salariée : la première présidée par le professeur de droit Pierre Sirinelli s’attachera aux questions soulevées dans le secteur privé et la seconde présidée par le professeur de droit André Lucas centrera sa réflexion sur le secteur public. La troisième commission, présidée par Anne-Marie Frison-Roche, également professeur de droit, devra déterminer si le développement du guichet unique des sociétés d’auteurs doit s’orienter vers la délivrance d’informations ou d’autorisations. Enfin, Jean Martin, avocat à la cour, animera la quatrième commission qui devra examiner le champ de la rémunération pour copie privée de l’écrit, des images fixes et des logiciels.

 

Données nominatives : quel droit pour la presse en ligne ?   10/05/2001
La presse en ligne a-t-elle le même statut que son équivalent papier ou audiovisuel ? L’affaire qui était plaidée le 9 mai 2001 devrait contribuer à la définition de son statut. La 17ème chambre correctionnelle du TGI de Paris doit se prononcer sur la question de savoir si l’exception au principe d’interdiction de traiter des données nominatives concernant les infractions, condamnations ou mesures de sûreté prévue par l’article 33 de la loi "Informatique et libertés" en faveur des organismes de presse écrite et audiovisuelle s’applique aux sites internet, qu’ils soient édités par des organismes de presse ou non.
En l’espèce, un ancien Préfet avait déposé plainte contre la société Libération, la SA l’Express et un site officieux du Canard enchaîné pour avoir mis ou conservé en mémoire sur support informatique des données nominatives dans une affaire pénale le concernant. Les journaux en question diffusent sur Internet plusieurs articles, facilement accessibles à l’aide d’un moteur de recherche, relatant la mise en examen de l’ancien Préfet. Les avocats des prévenus ont invoqué l’application extensive de l’exception prévue par l’article 33 de la loi "Informatique et libertés" de 1978, notamment Mathieu Prud’homme qui défendait le site officieux du « Canard enchaîné » qui n’est pas édité par un organisme de presse.
Cette position a été confortée par Joël Boyer, le Secrétaire Général de la CNIL. Il a rappelé que la CNIL fait prévaloir le principe de la liberté de la presse lorsque des données nominatives sont en cause.
Lors de l’audience, l’avocat de la partie civile, Michel Jeol, a mis l’accent sur le fait que la mise en mémoire permet de conserver durablement l’information. Ainsi, toute personne peut à tout moment, dans le monde entier, accéder à un véritable casier en ligne sans aucun contrôle.
Mais au nom du droit à l’oubli faudrait-il supprimer la page web contenant des données nominatives dès le lendemain de sa parution ? Henri Leclerc, avocat de Libération, a souligné que dans l’hypothèse d’une condamnation dans cette affaire, les journaux ne pourront plus mettre de tels articles en ligne. Ce qui constitue une véritable atteinte à la liberté d’expression.

Consultez les réactions des avocats à la sortie de l'audience

 

Qualité de mandataire requise pour faire de la publicité au nom de la société  10/05/2001
C'est sous le visa de l'article 809 du NCPC relatif aux mesures d'urgence, que le TGI de Mâcon, par une ordonnance de référé en date du 24 avril 2001, a donné acte à l'appelé de son engagement de supprimer sur son site internet une publicité considérée comme illicite par le demandeur. La publicité en cause avait pour but la recherche d'investisseurs désireux de financer l'exploitation des mines de diamants du président de la République Centrafricaine au nom de la société Colombe Mines. Le requérant, mandataire actuel de ladite société, reprochait au défendeur de publier cette publicité près de deux ans après sa parution sur un site internet, en utilisant frauduleusement et sans son accord le nom de la société et de son principal actionnaire. La confusion venait du fait qu'à la date de création du site de la société minière, en mars 2000, le défendeur était effectivement gérant de cette société et conseiller personnel du président de la République Centrafricaine. Mais il n'avait plus cette qualité ni ce titre pour agir au nom de la société depuis que son mandat avait été révoqué de fait après son départ précipité de la République Centre Africaine courant 2001. Or, en l'espèce, les juges ont estimé que le contenu du site laissait, en effet, croire que ses concepteurs étaient mandatés par le président de la République Centrafricaine pour cette mission, ce qui n'est pas le cas. Aussi, l'ex-gérant, dont la mauvaise foi n'a pas été démontrée, s'est tout de suite engagé à supprimer sur son site internet la publication critiquée par le nouveau mandataire de la société minière. Le tribunal en a donc pris acte, et lui a demandé de procéder à cette suppression dans les 24 heures de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard.

 

Multiplication des actions judiciaires dans l’affaire «jeboycottedanone»   09/05/2001
Si le mouvement pour le boycott des produits Danone s’essouffle, les procédures judiciaires liées au site «jeboycottedanone» se multiplient. Tout a commencé par l’action en référé intentée par Danone contre le journaliste de Technikart, qui avait enregistré le nom de domaine «jeboycottedanone.com» et qui était un des auteurs du site, ainsi que contre 7 Ways et ELB Multimédia, fournisseurs d’accès et d’hébergement. L’entreprise agro-alimentaire qui estimait que le nom de domaine et le contenu du site constituaient une contrefaçon de ses marques verbales et semi-figuratives n’a que partiellement obtenu gain de cause. Dans son ordonnance du 23 avril 2001, le TGI de
Paris a estimé que la reproduction de la cartouche en forme de polygone était bien une copie servile de son logo, marque semi-figurative, et a interdit au journaliste de continuer à en faire usage. En revanche, le juge n’a ordonné ni l’interdiction de détenir et d’exploiter le nom de domaine ni sa radiation. Il a, en effet, estimé qu’il n’y avait pas de risque de confusion. Victoire bien dérisoire pour l’animateur du site et ceux qui le soutiennent puisque les prestataires avaient désactivé le site, de façon unilatérale et sans ordre du juge.
Pour maintenir, malgré tout, la présence de ce site appelant au boycott de la marque sur le net, le réseau Voltaire pour la liberté d’expression a enregistré le nom de domaine «jeboycottedanone.net» auprès du bureau d’enregistrement français Gandi et a hébergé le site accusé de contrefaçon en continuant de reproduire son contenu, avec l’accord des auteurs. Danone a immédiatement réagi avec une seconde action en référé intentée devant le TGI de Paris contre le réseau Voltaire mais aussi contre Gandi, en vue de faire fermer le site contestataire. Alors que Danone a l’intention de se désister de son action contre Gandi, celui-ci refuse ce désistement et à l’intention de demander des dommages-intérêts au groupe industriel pour l’atteinte à son image de marque en France mais aussi à l’étranger. Cette procédure est en cours d’examen par le juge Jean-Jacques Gomez.
Face à cette nouvelle salve judiciaire, le réseau Voltaire et Valentin Lacambre, gérant de Gandi, ont déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile pour entrave à la liberté d’expression, à la liberté du travail, menaces et chantage. Mais le feuilleton judiciaire de l’affaire «jeboycottedanone» n’est pas pour autant clos puisque le réseau Voltaire, le journaliste de Technikart, Gandi et Valentin Lacambre sont aussi assignés au fond par Danone, comme la loi l’impose en matière de référé relatif aux marques.

 

Affaire Danone : le réseau Voltaire et Valentin Lacambre portent plainte contre X pour entrave à la liberté d’expression   02/05/2001
Après avoir été assignés au fond sur le fondement du droit des marques, le réseau Voltaire, éditeur du site «jeboycottedanone.net» et Valentin Lacambre, responsable de Gandi, bureau d’enregistrement de «jeboycottedanone.net», ont déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile pour entrave à la liberté d’expression (art. 431-1 du code pénal), menace et chantage (art. 222-17 et 312-10 du code pénal). Ils appellent, par ailleurs, les partis politiques, les associations, les 9 000 internautes qui ont signé la pétition disponible sur le site du réseau Voltaire et les 2 000 personnes qui ont participé au forum de discussion à se joindre à leur action. A ce jour, la Ligue communiste révolutionnaire
(LCR), le Parti des radicaux de gauche, les Verts et l’association Attac ont annoncé leur intention de se porter partie civile.
Au lieu de cette action générale et peu ciblée, pourquoi n’avoir pas agi sur le fondement de la loi sur la fraude informatique ? Thierry Meyssan du réseau Voltaire a, en effet, déclaré que le site avait fait l’objet d’attaques de l’extérieur qui l’avait rendu indisponible pendant deux jours. L’origine de l’intrusion a été décelée puis constatée : il s’agirait d’une société spécialisée en intelligence informatique.

 


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