Jnet. Juin 2001 La jurisprudence relative à Internet

Keljob / Cadremploi : Keljob est "seulement" un moteur de recherche  18/06/2001
L'ordonnance du 8 janvier 2001 du TGI de Paris, interdisant à la société Keljob la création de liens profonds vers les annonces d'emplois du site www.cadremploi.com, vient d'être infirmée par la cour d'appel de Paris, le 25 mai 2001. Pour faire droit aux demandes en appel de Keljob, les magistrats ont relevé que ce dernier est seulement un moteur de recherche sur internet. La cour a souligné que Keljob ne télécharge pas la base de données de Cadremploi pour alimenter son propre système, mais procède seulement à des interrogations ponctuelles sur le site, selon des critères précis. De plus, l'adresse url de "cadremploi.com" où l'annonce peut être consultée plus en détail, apparaît sur le site www.keljob.com, pour convier l'internaute à s'y rendre. Pour déclarer la société Keljob bien fondée en son appel, les magistrats ont estimé, notamment, que les éléments extraits par Keljob à partir du site de Cadremploi n'apparaissaient pas constituer une partie qualitativement et quantitativement substantielle du contenu de la base de données de Cadremploi au sens de l'article L. 342-1 du CPI. En outre, les magistrats ont relevé que la société Keljob ne publie aucune offre d'emploi complète, mais fournit seulement des références d'offres dont le contenu ne peut être connu que par la consultation d'autres sites auxquels elle renvoie. La cour n'a donc retenu ni la contrefaçon de marque, ni la concurrence déloyale, ni le parasitisme, allégués par Cadremploi à l'encontre de Keljob. Cette décision semble cependant ébranler quelque peu la notion de parasitisme. En effet, la cour a considéré que Keljob avait réalisé des investissements techniques et de communication, établis par les articles de presse produits en justice. Mais l'issue de cette affaire est encore loin puisque le jugement au fond est attendu pour le mois de septembre 2001.

 

La liberté de la presse prévaut sur les données nominatives   18/06/2001
La 17ème chambre correctionnelle du TGI de Paris a jugé que l'exception au principe d'interdiction de traiter des données nominatives concernant les infractions, condamnations ou mesures de sûreté prévue par l'article 33 de la loi "Informatique et libertés" en faveur des organismes de presse écrite et audiovisuelle s'appliquait aux sites internet édités par des organismes de presse.
En l'espèce, un ancien Préfet avait déposé plainte contre la société Libération, la SA l'Express et un site officieux du Canard enchaîné pour avoir mis ou conservé en mémoire sur support informatique des données nominatives dans une affaire pénale le concernant. Les sociétés Libération et L'Express ont obtenu la relaxe sur le fondement de l'article 33 de la loi du 6 janvier 1978. En outre, le tribunal a relaxé l'éditeur du site officieux du Canard enchaîné car l'élément matériel du délit n'était pas constitué, la plainte visant un article qui ne se trouvait pas sur le site du prévenu. D'ailleurs, ce dernier a supprimé l'accès à sa rubrique "Crème de Canard" reprenant les articles papier du Canard Enchaîné. Toutefois, des moteurs de recherche permettent de retrouver, sur un autre site officieux du Canard Enchaîné, aujourd'hui fermé, l'article du 29 janvier 1997 visé dans la plainte. Conformément aux attentes des prévenus, le tribunal a consacré la suprématie de la liberté d'expression sur la protection des données nominatives jugeant que "l'interdiction de procéder au traitement automatique d'informations nominatives concernant des infractions, en vue de leur publication sur Internet ou le Minitel, limiterait l'exercice de la liberté d'expression, en empêchant la presse de rendre compte des affaires judiciaires en cours… ".

 

Confirmation de l’applicabilité de la loi de 1991 au courrier électronique   15/06/2001
«Le courrier électronique, en tant que correspondance émise par la voie des télécommunications entre dans le champ d’application de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications», a rappelé hier le président de la commission de contrôle des interceptions de sécurité, Dieudonné Mandelkern, au cours de la présentation de son 9ème rapport d’activité. Le mail est donc susceptible d’interceptions au même titre que les communications téléphoniques. A ce même titre, il bénéficie aussi de la protection garantie par le contrôle de la commission quant à la légalité et l’opportunité d’une interception. «Plusieurs autorisations d’interceptions de courriers électroniques ont d’ores et déjà été accordées», précise-t-il. Juridiquement, aucun obstacle ne s’oppose à l’application de la loi de 1991 au mail.
Néanmoins, il n’est pas exclu, qu’à l’usage, une loi précisant la frontière entre les communications audiovisuelles et les mails soit nécessaire. En effet, ces derniers utilisent le même support technique bien qu’ils obéissent à des régimes juridiques propres. Dès lors, d’aucuns pourraient y voir le moyen d’étendre l’application de la loi aux communications audiovisuelles.

 

LSI : le gouvernement ne tient pas compte de l’avis de la Cnil   13/06/2001
Le projet de loi sur la société de l’information qui vient d’être adopté le 13 juin dernier, en conseil des ministres, n’a pas subi de fondamentales modifications. Ainsi la durée de conservation des données de connexion à des fins d’enquêtes reste fixée à un an maximum. Ce point très controversé avait également été vivement critiqué par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), qui avait souhaité voir réduire à trois mois le temps de conservation de ces données. Comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la Cnil regrette aussi que la détermination des catégories de données et de leur durée suivant l’activité des opérateurs, et la nature des communications, soit renvoyée à un décret. Concernant la publicité par voie électronique, le gouvernement a maintenu le principe de la liberté d’envoi, sauf si le destinataire est inscrit sur un registre d’opposition. Cette mesure est jugée insuffisante par la Cnil qui aurait préféré la possibilité de s’opposer, en ligne, aux envois non sollicités. Concernant la responsabilité des prestataires techniques, le projet actuel supprime l’obligation de tenir promptement informées les autorités publiques compétentes des activités ou informations illicites dont ils auraient connaissance dans l’exercice de leur activité.

 

Cybersquatting : La Plagne défend ses droits  12/06/2001
Ce sont deux ordonnances de référé rendues par le TGI de Paris le 3 avril 2001, qui illustrent les subtilités de l'appréciation du cybersquatting par les tribunaux. Dans les deux affaires l'association Office du tourisme de La Plagne, propriétaire du site officiel de la station de ski la-plagne.com, entend défendre ses droits quant à sa marque "La Plagne, toute la montagne en 10 stations" et son logo figuratif, régulièrement déposés en France. Car ceux-ci sont repris respectivement par deux sites privés : laplagne.com et plagne.com.
En effet, dans la première affaire, où le défendeur n'a pas comparu et n'était pas non plus représenté par un avocat, l'association a obtenu le transfert du nom de domaine, sous astreinte, par cession à titre gratuit, et 15 000 Francs à titre de provision à valoir sur dommages-intérêts. Le tribunal a en effet constaté que le particulier avait enregistré le nom de domaine litigieux dans le seul but de le revendre, y compris à son détenteur légal, en l'espèce la demanderesse. En revanche, dans la seconde affaire, où le défendeur était représenté par un conseil, le TGI de Paris a renvoyé les parties à un débat au fond le 29 mai 2001, compte tenu de la nature de la contestation élevée en défense.

 

Condamnation d'un site pour reproduction sans autorisation de marques de haute couture  06/06/2001
C'est par un jugement du 2 mai 2001 que le TGI de Paris a fait une nouvelle fois application sur internet de l'article L. 122-4 du CPI, qui définit la contrefaçon. L'affaire opposait une pléiade de sociétés réputées de haute couture (Céline, Givenchy, Kenzo, Christian Lacroix, Loewe International, Louis Vuitton) titulaires des marques correspondantes et des modèles créés et commercialisés sous leur nom, à la société américaine Viewfinder, exploitant le site internet www.firtsview.com. Selon les constats établis par un agent assermenté de l'Agence pour la protection des programmes (APP), cette société proposait d'accéder sur son site aux plus récentes collections des grands créateurs du monde entier, en reproduisant les modèles des défilés de mode des sociétés demanderesses sans leur autorisation. Or, les marques et les modèles de collections haute couture et de prêt à porter sont des œuvres de l'esprit protégées par le code la propriété intellectuelle.
Aussi le TGI de Paris a notamment interdit à la société Viewfinder la poursuite de ses actes sous astreinte journalière de 50 000 Francs, et l'a condamnée à payer 500 000 Francs de dommages-intérêts à chacune des sociétés, pour contrefaçon et parasitisme. Comme dans son jugement rendu le même jour condamnant la société Viewfinder dans une affaire l'opposant à la marque Christian Dior, le tribunal a rappelé que de telles reproductions et diffusions sur internet, sans l'autorisation des titulaires de ces marques et droits d'auteur, constituent des actes de contrefaçon sanctionnés par la loi.

 

"jeboycottedanone" : l’inconstitutionnalité de l’ordonnance de référé du 14 mai 2001 soulevée   01/06/2001
Le droit des marques peut-il primer sur la liberté d’expression ? Telle est la question qui revenait régulièrement lors des débats consacrés à l’affaire "jeboycottedanone", devant la 3ème chambre du TGI de Paris, au cours de l’audience du 30 mai dernier. Après les procédures en référé, Danone a, en effet, attaqué au fond Olivier Malnuit, créateur du site "jeboycottedanone.com" et le Réseau Voltaire, hébergeur et responsable éditorial de "jeboycottedanone.net" pour contrefaçon de marques et dénigrement.
Pour Michel-Paul Escande, avocat de Danone, sous prétexte de l’exercice d’une liberté, on a empiété sur un droit, le droit des marques. Le créateur du site "jeboycottedanone" aurait pu signaler Danone de n’importe quelle autre manière que par la marque. Ce qu’a réfuté Emmanuel Pierrat, avocat d’Olivier Malnuit. Mais cette action s’inscrit-elle vraiment dans la finalité du droit des marques, a-t-il demandé au tribunal ? Selon lui, il n’y a pas de risque de confusion avec un site officiel ni avec celui d’un concurrent. Il s’agit, au contraire, d’un site d’information contre la politique sociale de Danone. Brigitte Kadri, avocat du Réseau Voltaire, a également reproché à Danone l’utilisation du droit des marques dans un autre but que celui envisagé par le législateur et a dénoncé l’anticonstitutionnalité de l’ordonnance de référé relative au site "jeboycottedanonce.net". Selon l’avocat, elle porte atteinte à un droit de valeur constitutionnelle, la liberté d’expression, sur laquelle on a fait primer le droit des marques. Mais Danone n’a pas agi que sur le fondement de la propriété intellectuelle. En plus de la contrefaçon, l’entreprise agroalimentaire estime que le site dénigre ses produits en diffusant une image représentant des yaourts posés sur des yeux et réclame respectivement à Olivier Malnuit et au Réseau Voltaire 2 millions de francs de dommages-intérêts. Droit de l’information contre droit de l’entreprise : rendez-vous le 4 juillet pour connaître la position du tribunal.

La réaction filmée des avocats et des parties à la sortie de l'audience du 30 mai 2001

 


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